
Balade salée en Irlande – Mini-Fastnet 2018
Balade salée en Irlande – Mini-Fastnet 2018
La semaine dernière avait lieu la Mini-Fastnet 2018. 600 Milles en double au départ de Douarnenez, avec pour objectif de virer 2 phares, un anglais (Wolf Rock) et l’autre irlandais (Fastnet Rock).
Pour l’occasion, j’ai changé de bateau: il faut être en duo, et le mien ayant encore des petits soucis au mois de mai, je n’ai pas pris le risque de l’inscrire ! J’ai donc rejoint le bord de Cyril, sur le 591 – Fantomas.
Cette course peut se révéler difficile, étant donné le potentiel de complexité des passages obligatoires, notamment le Fastnet. La mer d’Irlande n’a pas une réputation de mer clémente en soi, et il n’y a aucune protection de la houle venant d’Atlantique. Pour ça, nous avons été gâté: les conditions étaient excellentes !
Départ dimanche à 17h de Douarnenez, nous sortons de la baie sous le soleil, et nous tournons l’étrave directement vers l’Angleterre au crépuscule. Petit cafouillage devant Brest qui nous fera perdre une bonne heure sur le reste de la flotte, nous « chalutons » notre gennaker (une voile de taille intermédiaire qui se met tout à l’avant).
Chaluter c’est se tromper de milieu: c’est tenter de ramasser du poisson avec une grande bâche de 35m², et ce n’est pas très efficace. 🙂 Heureusement nous arrivons à la récupérer sans la déchirer, ni rien casser. Cyril la ré-hisse, et nous la garderons toute la nuit et la matinée du lendemain, où nous arrivons devant Wolf Rock, en Angleterre. Durant la nuit, nous refaisons une bonne partie de notre retard et doublons même quelques concurrents.
Par contre, nous repérons un petit jeu dans la barre. Pendant 2h nous en cherchons l’origine (est-ce le chalutage d’hier qui a tiré sur un safran ?). Nous repérons une ferrure légèrement ovalisée. C’est la partie qui attache le gouvernail à la coque, et au lieu de tourner parfaitement, il y a un jeu. À chaque vague de côté, on entend un « tac-tac » et on ressent une vibration dans la barre. Ça devrait tenir, mais c’est une pièce à changer en rentrant.

Et arrivés à la pointe sud-ouest anglaise, pétole. Canicule et plus de vent. L’après-midi passe, toute la flotte s’est resserrée et progresse doucement vers le Nord (il y a un rail de cargo que nous n’avons pas le droit de franchir avant le passage d’une bouée spécifique).
On envoie alors le Spi Max (la plus grande des voiles du Mini, 90m² qui s’ajoute au 30m² de la grand-voile.
Nous nous posons des questions sur la stratégie de course à suivre. Notre routage est inexistant, et nous n’avons pas eu de mise à jour des prévisions météo. Nous ne comprenons pas pourquoi certains concurrents s’éloignent de la route directe.
Peu de vent, mais nous avançons vers la pointe sud-ouest irlandaise que nous franchirons le lendemain soir après 36h en mer d’Irlande. Nous aurions pu confondre avec le lac Léman tellement c’était calme et sans vague.
Mais le courant de la côte irlandaise nous a eu ! Nous perdons plusieurs heures pour l’avoir mal anticipé. Et malheureusement pour nous deux, nous passerons le Fastnet dans la nuit, et donc nous n’apercevrons que l’ombre du caillou et la forme du phare ! La photo au coucher du soleil sera pour une prochaine fois 🙂

Maintenant que nous avons atteint notre but septentrional, il est temps de rentrer à la maison, et le vent d’Est constant de ces dernières 48h est toujours là: Nous ferons donc la route au près – c’est à dire vent venant du devant. Bateau gité, vagues irrégulières et confort très discutable, pendant environ 240 Milles. Nous choisissons directement d’enchainer des phases de 2h chacun à la barre, afin de pouvoir se reposer, et ceci fonctionne très bien jusque l’arrivée en face de la Manche, où nous avons une montée du vent qui n’était pas prévue.
Les dernières 24h seront assez éreintantes: le vent et les vagues montent dans l’embouchure de la Manche, nous comptons 3 trains de houle différents (quand il ne s’agit juste pas d’une mer difforme). Nous passons le rail des cargos de jour dans la brume (merci l’AIS), et arriverons au petit matin dans la baie de Douarnenez dans un vent mollissant qui nous fera passer 2h devant le port pour atteindre la ligne d’arrivée.
Voilà, nous sommes très fatigués mais très contents de cette première longue course pour nous. Cyril ne voulait pas prendre de risque pour le bateau, et nous étions en « découverte ». Nous n’avons jamais laissé le voilier sur-toilé, notamment dans la Manche et en mer d’Iroise, et nous n’avons rien cassé.
En conclusion, nous avons encore beaucoup de progrès à faire: gestion du sommeil, gestion de l’alimentation (les deux étaient trop irrégulières à bord). Mais nous avons désacralisés beaucoup de points: un trajet de plus de 4 jours sans escale avec la vie à bord associée, une montée et descente de la mer d’Irlande.
Il est sûr que les « petites » courses de 24-48h nous paraitront plus faciles dorénavant !